C’est le jour J pour le procès du massacre du 28 septembre. Après 22 mois d’audience, le verdict est attendu ce mercredi 31 juillet. Et c’est toute la Guinée qui retient son souffle à quelques heures de ce dénouement historique.
Le nouveau tribunal à Conakry où le procès du massacre du 28 septembre 2009 doit connaître son verdict.
Sept cent cinquante parties civiles, presque deux ans d’audience, un ex-président dans le box des accusés… Tout dans ce procès est hors normes. Et c’est à quelques semaines du 15e anniversaire du massacre du 28 septembre 2009 que cette affaire judiciaire doit prendre fin avec le prononcé du verdict pour crime de masse en Guinée. Un pays dont l’histoire a été marquée par la répétition d’épisodes tragiques. Beaucoup espèrent donc que ce procès signe la fin de l’impunité.
La peine la plus lourde requise pour l’ex-président
Accusés d’avoir joué un rôle dans la mort de plus de 150 personnes venues assister à un meeting de l’opposition le 28 septembre 2009 durant lequel plus d’une centaine de femmes avaient été violées par les forces de défense et de sécurité, les accusés risquent de lourdes peines.
L’ex-président, Moussa Dadis Camara, risque la perpétuité. C’est la peine en tout cas requise contre lui par le parquet qui demande une requalification des faits en crimes contre l’humanité. Longuement débattue durant les audiences, le tribunal a décidé de trancher cette question au moment du verdict. Dadis et ses coaccusés ont tous plaidé non-coupables.
De leur côté, les victimes demandent justice, mais elles veulent aussi des réparations : 100 000 à 300 000 euros de dédommagement, selon le préjudice, avaient détaillé leurs avocats lors du procès.
Un absent de taille dans le box des accusés
Reste qu’une absence notable vient marquée cette dernière audience : celle du prévenu Claude Pivi, en fuite depuis le 4 novembre 2023. Toujours aucune nouvelle de l’ancien ministre chargé de la Sécurité présidentielle, devenu ennemi public numéro 1 après son évasion spectaculaire de la maison centrale de Conakry.
La cavale de Claude Pivi a semé la peur parmi les victimes. Plus de 150 personnes avaient été tuées et une centaine de femmes violées le 28 septembre 2009 lors d’un meeting de l’opposition et les jours suivants. Alors que cette ultime audience devait s’ouvrir dans les prochaines heures, beaucoup de victimes ont décidé de la regarder à la télé, par crainte des représailles et en l’absence de garantie pour assurer leur sécurité de la part de l’État.
Un verdict attendu mais redouté par les victimes
C’est la mort dans l’âme qu’elles vont se priver de ce moment historique. Un moment qu’elles ont attendu durant 15 ans. Matthias Raynal a rencontré l’une d’entre elles. Ces dernières années, elle s’est beaucoup exposée dans les médias, mais nous ne dirons pas son nom. À l’approche du verdict, cette victime du 28 septembre a peur.
« Parce que je sais ce que j’ai subi, je sais de quoi ces gens-là sont capables. J’ai été face à face avec les accusés. Si ces gens-là sont condamnés aujourd’hui, que va-t-il m’arriver demain ? Il y a des menaces. Que va-t-il arriver à mes enfants ? Que va-t-il arriver à ma pauvre maman ? Je ne sais pas, c’est seulement Dieu qui sait ».
Battue, insultée, violée au stade. Durant le procès, elle a eu le courage de témoigner à visage découvert.
« Au tribunal, ce jour, il y avait mille caméras qui me fixaient. Pendant des jours, j’étais enfermée à la maison, je ne sortais pas parce que ce jour-là tout le monde a su ce que j’ai vécu. C’étaient des moments difficiles pour moi ».
Elle dit avoir fait ça pour lutter contre l’impunité dans son pays, pour protéger les générations futures. Après son témoignage, il y a eu des réactions positives.
« Beaucoup de personnes quand même m’ont félicité. J’ai beaucoup d’amis après le procès qui m’ont appelé et qui m’ont donné le courage de continuer le combat ».
Aujourd’hui, elle veut « que la vérité soit dite », que les victimes obtiennent des réparations, pas seulement financières, elle veut que leur honneur soit rétabli.
« Je sais ce que j’ai subi et ce dont ces gens-là sont capables, j’ai peur, mais beaucoup d’amis m’ont donné le courage de continuer le combat »…
RFI