Le Président Macron a annoncé juin dernier la fin de l’opération antidjihadiste « Barkhane ». La fin de huit ans de présence française au Mali et dans les pays voisins du
Sahel ? La majorité des 5 100 soldats français resteront au
Mali jusqu’en 2023.
Le retrait, la réorganisation, et le réalignement des forces
internationales à venir affectera également directement les différents projets de développement et de stabilisation mis en place par la communauté internationale au Sahel, dont beaucoup relèvent de l’Alliance Sahel. Les projets de développement ont besoin de sécurité combinée à une gouvernance renforcée et à une plus grande présence gouvernementale pour être efficaces. Un retrait sans aucune clarté sur comment combiner les travaux de sécurité, de gouvernance et de stabilisation compliquera uniquement la tâche de ces programmes, et rendra plus difficile le maintien d’une pression efficace là où il en faut, notamment au Mali.
De 5 100 soldats actuellement déployés au Sahel, on passera à 3 500 d’ici à un an, puis 2 500 en 2023. L’armée française prévoit de quitter des bases du nord du Mali (Kidal, Tombouctou) pour se concentrer sur la zone dite des « trois frontières », aux confins du Niger et du Burkina Faso.
Pour ne pas abandonner le terrain aux djihadistes, la France continuerad’épauler les armées locales, avec ses alliés européens, au sein de la force Takuba. Enfin, les forces spéciales de l’opération Sabre, vont continuer la
traque des chefs djihadistes.
Pourquoi est-ce si long et si compliqué ?
Laisser sur place des forces spéciales et des soldats au sein de Takuba implique des effectifs importants en appui (renseignement, médical, maintenance, etc.).
Dans une armée moderne, pour un homme au combat, ce sont souvent deux ou trois militaires derrière.
En fait, le plan du retrait français est dans les cartons de l’état-major depuis 2019 et il aurait dû commencer début 2021. Mais, à l’époque, la dégradation de
la situation sur le terrain et la mort de cinq soldats français avaient poussé le président Macron à le suspendre. Pas question de partir en donnant l’impression de fuir.
Aujourd’hui, le coup d’État militaire du 24 mai au Mali a donné une fenêtre à Emmanuel Macron, qui souhaite ce retrait depuis un moment et qui peut expliquer que la France n’a pas vocation à se substituer à la stabilité politique
des États souverains. Et tant pis si cela est contradictoire au soutien dont a toujours bénéficié le tchadien Idriss Déby et dont bénéficie la junte qui a placé son fils Mahamat au pouvoir.
Très mitigé. Les militaires français ont fait leur boulot en portant des coups sévères aux groupes affiliés à Al-Qaida et à l’État islamique, en tuant plusieurs de leurs chefs historiques. Mais jamais la perspective de rétablir l’unité
territoriale du Mali, un des objectifs de Barkhane, n’a semblé à portée de fusil.
L’État malien est toujours aussi dramatiquement absent dans le nord et désormais le centre du pays. Barkhane a même eu des effets pervers en disséminant les forces djihadistes, sous pression et à la recherche de points de repli dans les pays voisins, déstabilisant gravement le Burkina-Faso. La mort des chefs algériens d’Al-Qaida a aussi propulsé au premier plan du djihad au Sahel Iyad Ag Ghali et
Amadou Koufa. Ils sont Maliens et s’imposent de plus en plus comme des interlocuteurs incontournables dans la perspective d’un règlement du conflit.
Et sur le plan politique en France ?
« L’Élysée craint un effet Saigon », résume Caroline Roussy en faisant
référence aux images catastrophiques du retrait de l’armée américaine du Vietnam en 1975. « Emmanuel Macron envisage de quitter le Sahel
depuis son arrivée au pouvoir en 2017. Mais il doit le faire sans que
cela apparaisse comme une défaite », estime aussi Jean-Pierre
Maulny, convaincu que le Président français pourrait s’inspirer du narratif développé par l’administration américaine en Afghanistan sous Barack Obama. « Mettre plus de force dans un premier temps pour remporter des victoires de manière, ensuite, à donner la main aux autorités locales », et finalement annoncer le retrait des troupes, conformément aux promesses de la campagne présidentielle.
Le scénario en Afghanistan est celui qui semble se dessiner en France.
Rester longtemps au Sahel n’est plus vraiment une option à l’Élysée. « Cette force cristallise actuellement nombre d’oppositions agitées par les
propagandes nationaliste, djihadiste…
À qui profiterait le départ des Français du Sahel ? Aux Russes, craint-on à Paris, ou aux Chinois, pensent d’autres, en se projetant à moyen terme. Au lieu de cela, de profonds changements au sein des Etats du Sahel sont nécessaires pour cette amélioration de la gouvernance, des changements que les citoyens du Sahel réclament également. Un retrait mal organisé et la formation d’une coalition ad hoc risquent d’offrir le pire des deux mondes, engendrant des coûts politiques et sécuritaires pour l’Europe tout en réduisant les chances d’une meilleure coordination régionale et internationale, et réduisant les moyens de travailler avec ou de faire pression sur les Etats du Sahel pour parvenir à des changements plus que nécessaires.
Synthèse H.C