Les banques européennes commencent à vendre les bijoux de famille en Afrique du fait de leur perte de vitesse face aux nouveaux ténors locaux qui eux montent en puissance. Le français Société Générale, jadis un géant en Afrique, opère un retrait spectaculaire au Bénin, au Togo, au Burkina Faso, au Maroc, en Côte d’Ivoire, en Guinée Équatoriale, etc. Une aubaine pour les États africains, qui s’engouffrent dans la brèche pour muscler leurs outils de financement. Le Bénin et la Côte d’Ivoire – ils ont de grandes ambitions en matière de leviers de financement – ont décidé de racheter le fleuron français, l’Etat sénégalais marche sur leurs pas…
Société Générale est le deuxième opérateur bancaire au Sénégal et elle est à vendre, une occasion en or que le gouvernement sénégalais ne laissera pas filer. Les autorités ont dévoilé leurs intentions à travers une offre de rachat de 260 millions d’euros (287,6 millions de dollars), rapporte Africa Intelligence. L’opération pourrait être conduite par la Banque nationale pour le développement économique (BNDE) ou un consortium national contrôlé par cette dernière.
Société Générale s’active au Sénégal depuis plusieurs décennies, présentement elle détient 63,31% du capital de sa filiale sénégalaise. 35,13% des parts appartiennent à des privés sénégalais et une petite portion, 1,56%, est la propriété de la Société Générale de Banques en Côte d’Ivoire (SGBCI)​, première banque de l’UEMOA (Union économique et monétaire ouest-africaine).
D’après des sources au fait de cette affaire il y a plusieurs pistes pour dessiner l’avenir du français, mais Dakar pencherait pour une reprise par un acteur local. La BNDE, contrôlée par l’État à hauteur de 81,8%, a les faveurs des autorités pour réaliser cette opération. Montée en 2014 pour appuyer les PME et PMI, la BNDE a rapidement franchi des paliers supérieurs, avec un total bilan qui est parti de 76 milliards FCFA en 2015 pour se hisser à 555 milliards FCFA en 2023…
L’augmentation de capital est intervenue en novembre 2023, passant de 11 milliards à 52 milliards FCFA ; la banque a maintenant une santé de fer. Elle a décroché un produit net bancaire (PNB) de 25,8 milliards FCFA en 2023, en progression de 47% et des fonds propres consolidés de quelque 70 milliards FCFA…
Société Générale Sénégal affiche un total actif de 1391 milliards FCFA, soit 10,8% des parts de marché en termes d’actifs sur le marché local. Cela en fait le deuxième ténor bancaire du pays, juste derrière la CBAO (Compagnie Bancaire de l’Afrique Occidentale), filiale d’Attijariwafa Bank. Le marocain garde sa première place, dominant nettement la BNDE qui n’a que 4,26% de parts de marché avec un total bilan de 555 milliards FCFA. Le rachat de Société Générale dopéra le sénégalais.
Rappelons qu’en juillet 2024 le Bénin avait dévoilé son projet d’acquisition de la filiale locale de Société Générale. Pour tous ces pays africains l’objectif est le même : Grossir la place de l’Etat dans le financement des économies où les PME pèsent lourd mais manquent cruellement de financements pour se développer, embaucher et prospérer sur le continent…
L’an dernier les PME sénégalaises aspiraient moins de 10% de l’encours total des prêts accordés aux entreprises, un seuil très en-deçà de la moyenne de 14% affichée par l’UEMOA. Dans le même temps le déficit budgétaire du Sénégal s’est creusé, jusqu’à 915 milliards FCFA, soit près de 5,5% du PIB. Le gouvernement s’était rabattu sur un emprunt de plus de 1063 milliards FCFA sur les marchés financiers régionaux pour résorber une partie de ce déficit.
Avec les revenus du pétrole et du gaz le Sénégal aura les moyens de se payer le français pour dynamiser son économie. Dépenser plus pour faire tourner le pays et gagner plus en bout de course, par le biais des recettes fiscales et des cotisations sociales surtout. De son côté Société Générale poursuit son désengagement massif en Afrique, prochains caps le Ghana et le Cameroun…