La consommation de tabac en Guinée représente un enjeu majeur de santé publique, avec des prévalences qui, bien que fluctuantes selon les études et les populations, demeurent préoccupantes et sont sources de maladies et de décès prématurés. Malgré les efforts des autorités et des organisations de la société civile, le tabagisme continue d’affecter une part significative de la population, notamment les jeunes.
Prévalence et caractéristiques
Les chiffres sur la prévalence du tabagisme en Guinée varient selon les sources et les années d’enquête. Une enquête réalisée en 1998 par le Ministère de la Santé et de l’Hygiène publique en collaboration avec l’OMS-Guinée révélait que 57% des Guinéens, dont 9% de femmes, étaient fumeurs. Des données plus récentes issues de l’Enquête STEPS (2011-2015) à Conakry et en Basse Guinée indiquent un pourcentage de 12,8% de la population fumant actuellement du tabac, avec une prédominance masculine (23,2% chez les hommes contre 2,0% chez les femmes). La prévalence du tabagisme chez les personnes de plus de 15 ans aurait même baissé de 7,3% à 6,4% entre 2016 et 2021 selon l’OMS Guinée.
Cependant, le tabagisme chez les jeunes reste un sujet d’inquiétude. Des études ont montré une prévalence de 13,4% chez les collégiens de Dixinn (Conakry) et de 9,92% chez les lycéens, avec une forte prédominance masculine dans les deux cas. L’initiation au tabac est souvent précoce (autour de 13,9 ans chez les collégiens).
Plusieurs facteurs favorisent la consommation de tabac en Guinée :
 * Influence de l’entourage et de la mode : L’imitation des amis et de la famille, ainsi que l’attrait perçu de la « mode » et de la publicité, sont des moteurs importants, en particulier chez les jeunes.
 * Accessibilité : Malgré les interdictions légales, la facilité d’accès aux produits du tabac et leur coût relativement bas contribuent à leur consommation.
 * Méconnaissance des dangers : Une partie de la population, en particulier les jeunes, peut sous-estimer les risques réels du tabac sur la santé.
 * Facteurs sociaux et psychologiques : La consommation de tabac est parfois associée à la lutte contre les soucis, à la volonté de vaincre la peur ou la timidité.
Impact sur la santé publique
Le tabagisme a des conséquences dévastatrices sur la santé des Guinéens.
L’OMS estime que plus de 4 400 décès sont enregistrés chaque année en Guinée en raison des maladies liées au tabac. Ces maladies incluent les cancers (poumon, gorge, bouche, etc.), les maladies cardiovasculaires (infarctus, AVC, hypertension), les maladies respiratoires chroniques (bronchite chronique, emphysème) et bien d’autres affections. Le tabagisme passif expose également les non-fumeurs à des risques importants.
Au-delà des coûts humains, le tabagisme représente un fardeau économique considérable pour le système de santé guinéen, en raison des dépenses liées au traitement des maladies causées par le tabac et de la perte de productivité due à la morbidité et à la mortalité prématurées.
Politiques et actions de lutte
La Guinée a mis en place des mesures pour lutter contre le tabagisme, notamment :
 * Textes législatifs : Un arrêté de 2004 interdit l’usage du tabac dans les lieux publics (bureaux administratifs, salles de spectacle, transports publics, etc.) et impose des avertissements sanitaires sur les paquets de cigarettes (« Le Tabac nuit gravement à la Santé »).
 * Programmes nationaux : Le pays a élaboré un Programme National Intégré de Prévention et de Contrôle des Maladies Non Transmissibles (MNT) et un Plan Stratégique National Multisectoriel de Lutte contre les MNT (2021-2025), qui incluent des objectifs relatifs à la réduction du tabagisme.
 * Sensibilisation et partenariats : Des organisations comme l’Association Guinéenne de Lutte contre le Tabac (AGLT) et l’ONG « Génération Sans Tabac-Guinée » mènent des campagnes de sensibilisation, notamment à l’occasion de la Journée Mondiale Sans Tabac, et s’efforcent d’aider les fumeurs à arrêter.
 * Appui de l’OMS et autres partenaires : L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) et d’autres partenaires internationaux soutiennent les efforts de la Guinée en matière de lutte antitabac, y compris l’appui aux programmes de prévention du cancer.
Défis et perspectives
Malgré ces efforts, des défis importants subsistent :
 * Application des lois : L’application effective des lois antitabac reste un point faible. La vente et la consommation de tabac dans les lieux interdits sont encore trop fréquentes.
 * Pression fiscale : Le taux d’imposition sur les produits du tabac en Guinée est jugé très en dessous du seuil recommandé par l’OMS (70%), ce qui rend le tabac plus abordable et freine les efforts de réduction de la consommation.
 * Sensibilisation continue : Une sensibilisation accrue et ciblée est nécessaire pour toucher toutes les couches de la population, en particulier les jeunes, et les informer des dangers du tabac sous toutes ses formes.
 * Soutien au sevrage : La mise en place de structures d’aide au sevrage tabagique est cruciale pour accompagner les fumeurs désireux d’arrêter.
En conclusion, la consommation de tabac en Guinée demeure un problème de santé publique qui nécessite une synergie d’actions renforcée. Une application plus rigoureuse des lois existantes, une augmentation significative des taxes sur le tabac, des campagnes de sensibilisation innovantes et un meilleur accès aux services de sevrage sont autant de leviers essentiels pour réduire la prévalence du tabagisme et protéger la santé des populations guinéennes.
La rédaction