Une autre façade de lutte anticoloniale sur le continent !
Le syndrome malien et burkinabé gagnerait-il déjà le Niger ?
L’ex-puissance coloniale peine à renouveler sa relation avec les jeunesses dAfrique francophone, qui ne croient plus aux promesses dune rupture avec les pratiques du passé. Perçue comme un frein aux aspirations démocratiques, la France est de plus en plus contestée dans les rues du continent. Un climat qui a profité à dautres partenaires.
Avec des relations de plus en plus tendues, les États africains en ont-ils assez de la France ?. Naturellement des foyers de tensions dans les pays « d’influence française » ne font que grandir, d’où un mécontentement face à la politique néo-coloniale menée par Paris, ainsi que par l’Europe et les États-Unis dAmérique en général.
C’est ainsi quil faut interpréter le coup d’État au Burkina Faso et la tentative de coup d’État en Guinée-Bissau. Et en France on craint de plus en plus un tsunami qui emporterait son « héritage ».
Dans le cas du Burkina Faso, au cours des trois dernières années, il y a eu un mécontentement populaire à l’égard dun gouvernement qui était inactif contre lactivité islamiste et qui sest limité à compter sur la présence de soldats français pour le faire. Déjà en novembre 2021 il y a eu de très fortes mobilisations populaires contre cette présence française qui ont fini par devenir anti-gouvernementales et qui, au final, ont abouti à un gouvernement pro-français (janvier 2022).
Il y a actuellement en Afrique une lutte majeure contre le néo-colonialisme, une lutte qui ne sera arrêtée ni par les campagnes provocatrices d’information et de propagande activement organisées par Paris ces derniers temps sur les « mercenaires russes » ni par les sanctions imposées au Mali et autres « États récalcitrants » par l’intermédiaire de la CEDEAO, ou lusage de l’influence dans l’UE, où la France assure la présidence du Conseil de l’Union Européenne pendant six mois à compter du 1er janvier.
C’est, à la fois, un grand revers personnel pour Macron, qui espérait pouvoir profiter de ce semestre pour renforcer son image en vue des élections présidentielles davril prochain, élargir les ambitions de grandeur française, accélérer l’avancée de la présence de troupes européennes avec l’implication de plus de pays, comme l’Allemagne et une Espagne qui allait augmenter le nombre de soldats, et avancer dans ce quon appelle la « boussole stratégique » pour atteindre une plus grande pertinence européenne dans les affaires mondiales, selon le journaliste, politologue et écrivain Alberto Cruz.
Le cas du Mali nest que le sommet de liceberg dune rébellion anticoloniale. Depuis août 2020, il y a eu deux coups dÉtat et les deux sont clairement un rejet du colonialisme français dans le pays, car, contrairement à ce qui se dit en Occident, le protagonisme nest pas seulement militaire, mais civil. La principale force qui soutient les militaires qui ont perpétré les coups d’État est le Parti Socialiste, principal parti dune coalition, le Mouvement du 5 Juillet-Groupe des forces populaires, qui est hypercritique à légard de la France et de son rôle non seulement au Mali, mais aussi en Afrique.
L’« effet Mali » a de fortes répercussions dans toute la région car, les manifestations anti-françaises sont de plus en plus courantes et fréquentes et l’une des raisons est le comportement des troupes, stationnées dans tout le Sahel depuis 2013 (avec des composantes non seulement françaises, mais dautres pays européens, y compris l’État espagnol avec 450 soldats) qui sont considérées non seulement comme un fardeau, mais comme l’expression du contrôle néocolonial pour le pillage des ressources des peuples africains. Il y a un fait incontestable : Depuis que ces troupes sont au Mali, soi-disant pour protéger les pays africains des attaques des groupes djihadistes, la réalité est que ces groupes ont augmenté leur présence et leur activité au moment où ces troupes sont là et contrôlent plus de zones et mènent plus dattaques dans des zones éloignées des provinces du nord du pays, où elles ont commencé à opérer. L’accusation portée contre ces troupes selon laquelle elles nont servi qu’à renforcer les intérêts de la France en tant qu’investisseur dans le pays, à protéger exclusivement les citoyens français qui travaillent dans des entreprises françaises et à stopper le flux dimmigrés, est récurrente au Mali.
Cela naide pas non plus que les troupes françaises aient souvent été impliquées dans des actions répressives contre la population, entraînant plusieurs morts, lorsque des personnes ont manifesté contre leur présence ou ont tenté de couper et/ou dentraver leurs mouvements à travers le pays.
Des événements similaires se sont produits non seulement au Mali, mais dans dautres pays comme la République Centrafricaine, où les troupes du Tchad-pays qui est le centre de la stratégie française parmi ses anciennes colonies du Sahel-sont venues utiliser la population comme boucliers humains (reconnu par lONU comme un « comportement inapproprié ») face aux attaques quils ont subies.
Alors que le déclin sans précédent de l’influence française sur le continent africain saccélère, les néo-colonisateurs continuent de refuser d’accepter la réalité : On ne veut pas accepter le déclin, mais on ne peut pas non plus l’arrêter même avec le soutien des groupes armés qui s opposent aux nouvelles autorités et qui rappelle, comme un goutte à goutte.
Par exemple, en République Centrafricaine, le gouvernement accuse la France d’encadrer les activités de la Coalition des Patriotes pour le Changement (CPC) (composée de six groupes opposés au pouvoir central et qui maintient une structure armée contrôlant une zone frontalière avec le Tchad considérée comme stratégique pour sa richesse en terres rares et en or), où la France elle-même, la Russie, la Chine et même l’Iran sont accusés de « piller le pays ».
Notamment la Russie pour la présence de sous-traitants de sécurité privés en République Centrafricaine (et maintenant aussi au Mali) puisque depuis leur présence et sous leur formation, le gouvernement a pu reprendre le contrôle des mines dor de la République Centrafricaine, jusqu’à très récemment, entre les mains du CPC.
Comme cela sest produit en République Centrafricaine, les sanctions contre le Mali nont fait que pousser les nouveaux dirigeants à chercher d’autres voies, et cest là que la Russie et la Chine interviennent. C’est leffet sinon recherché, en effet obtenu par la France et l’UE. Cela a été comme jeter de l’huile sur feu pour la France, pour l’UE et pour l’Occident.
La peur du tsunami
Une autre lutte anticoloniale gagne le Niger, où des centaines de personnes ont manifesté contre la présence militaire française. Déjà, il existe quelques 3 000 militaires français toujours déployés dans le Sahel et notamment au Niger, l’un des principaux alliés de Paris, après leur retrait total du Mali. La force « Barkhane » avait été chassée par la junte au pouvoir au Mali depuis 2020, qui est soupçonnée de travailler avec le groupe paramilitaire russe Wagner. En avril, les députés nigériens avaient largement voté en faveur dun texte autorisant le déploiement de forces étrangères sur le territoire, notamment françaises, pour combattre les djihadistes.
Ensuite, « Il y a des slogans antifrançais parce que nous exigeons le départ immédiat de la force “Barkhane” au Niger qui aliène notre souveraineté et qui est en train de déstabiliser le Sahel », a affirmé à  Seydou Abdoulaye, le coordonnateur du Mouvement M62 qui a organisé la manifestation. Aux cris de « “Barkhane” dehors », « A bas la France » et « Vive Poutine et la Russie », les manifestants ont sillonné quelques rues de Niamey avant de tenir un meeting devant le siège de l’Assemblée nationale, selon l’AFP.
Certains manifestants arboraient des drapeaux de la Russie et brandissaient des pancartes hostiles à la France et à Barkhane.
Avec des attaques régulières et meurtrières, le gouvernement malien avait accusé la France de soutenir des groupes djihadistes, des déclarations « insultantes » pour Paris. Ces derniers mois, plusieurs manifestations antifrançaises ont eu lieu au Sahel, notamment fin novembre 2021 lorsquun convoi militaire de « Barkhane » avait été bloqué et caillassé au Burkina Faso, puis au Niger. Trois manifestants avaient été tués à Téra, dans louest du Niger, dans des tirs imputés par le gouvernement nigérien à ses forces ou aux forces françaises.
La manifestation visait également à protester contre le coût de la vie au Niger où une récente hausse du gasoil a vite eu des répercussions sur les prix de certaines denrées. Selon des responsables du M62, une autre manifestation a eu lieu à Dosso, une ville du sud-ouest nigérien.
Le Niger doit faire face aux attaques régulières et meurtrières de groupes djihadistes liés à Al-Qaida et à lEtat islamique au Sahel dans l’Ouest et, dans le Sud-Est, à celles de Boko Haram et de l’Etat islamique en Afrique de lOuest (Iswap). Le pays abrite depuis des années plusieurs bases militaires étrangères, française et américaine notamment, dédiées à la lutte contre les djihadistes au Sahel.
Un redéploiement de la force européenne Takuba dans les zones stratégiques frontalières au Mali est encore possible. Le Niger pourrait devenir le nouvel État pivot pour sauver le nouveau dispositif militaire international.
Le retrait de la force Barkhane pourrait laisser l’opportunité à la junte de réactiver un dialogue bilatéral constructif avec les groupes armés terroristes pour lavènement dun accord dAlger plus inclusif, tout ceci en dépit de la ligne rouge fixée par le gouvernement français. Un accord damnistie sur le modèle du dialogue algérien des années 1990 pourrait émerger grâce à l’opportunité que représente le départ des Français. Cest ce que Saïd Bouamama appelle le Réveil anticolonial africain et retour des argumentaires coloniaux en France
Le néocolonialisme français est confronté aujourd’hui sur le continent africain à une remise en cause sans précédent depuis son installation au moment des indépendances. Du Mali au Burkina Faso en passant par le Niger des manifestations populaires contre la présence des troupes françaises se multiplient depuis 2015. La tentative disolement du nouveau gouvernement malien signe un échec flagrant pour Macron. Elle a eu en effet deux résultats incontestables : Une mobilisation dune partie majoritaire peuple malien pour soutenir le nouveau gouvernement face aux pressions internationales dune part et la montée dans l’ensemble de la région et au-delà de ce que le journaliste Rémi Carayol nomme, « les sentiments antifrançais » d’autre part. La couverture médiatique dominante de la séquence dans l’hexagone est pour sa part marquée par le retour des argumentaires coloniaux de la décennie cinquante : La manipulation internationale, l’annonce dun avenir catastrophique dans le cas dune « rupture » avec Paris, la diabolisation des politiques africains indociles, etc.
                                  Synthèse A.H